de Guy-Régis Junior aux Editions EDERN.
Peut-on écrire le chaos, la destruction, la fin d’un monde ? Peut-on pétrir la chair d’une ville pour en extraire les humeurs de ce qui lui reste de vie ? Le récit de Guy-Régis Junior nous immerge – nous noie peut-être – dans Belair, quartier de la ville de Port-au-Prince, capitale de Haïti.
Son récit est un fleuve intranquille, parsemé de rapides, de cascades et de chutes. Le cri du poète est brûlant, bouleversé-versant, taraudé par l’urgence de dire. Quelle langue ! Il l’aime sa ville, il la caresse, lui fait tourner la tête, il la tripote, la secoue, il la baise, puis, moins fiévreux, la cajole. Il l’emparouille et l’endosque contre terre1 aussi, il la hait, il l’étrangle, l’étouffe, lui crache au visage et la piétine dans la poussière. Mais il revient vers elle, il la serre dans ses bras, il nettoie son visage, et se réconcilie avec elle.
Guy-Régis est un poète et ses mots sont une lave qui s’écoule du cratère d’un volcan. Son récit raconte Belair comme l’on parle d’une jungle où, levé le matin nul n’est certain d’y être encore vivant la nuit venue. Et le plus terrifiant dans ce texte majuscule, c’est qu’il aura bientôt quinze ans, et que dans ce territoire indépendant de l’île d’Hispaniola, les conditions de vie de la population n’ont depuis cessé de se dégrader.
Enfants de la réparation est la réédition de Les trophées des capitaux publiés aux éditions Vents d’ailleurs en 2011.
1 Le grand combat, Henri Michaux, 1927